Les soldats de l'hiver...

Lorsque l’hiver approche, il faut prendre ses précautions. Les hivers en Belgique sont relativement cléments, mais mais un bonsaï n’est pas un simple arbre.

Lors de l’hiver, un arbre se met en dormance. Il déploie ainsi divers mécanismes lui évitant de subir les dégâts du gel. D’abord, il ralentit, puis cesse sa croissance. Il limite ainsi les jeunes parties qui seraient plus vite affectées par le gel. Ensuite, la circulation de la sève ralentit, voire s’arrête: la circulation de l’eau diminue par la limitations de l’évaporation par les feuilles (qui sont tombées) et de l’absorption par les racines. De plus l’eau présente dans la sève est évacuée et celle-ci devient plus riche en sucre avec un point de congélation plus bas.

Là ou les arbres pleine terre n’ont que leur partie aérienne exposée (et c’est nécessaire pour que les espèces extérieures se renforcent et profitent de leur hiver), les bonsaïs dans leur pot sont entièrement hors sol, ce qui pose un défi supplémentaire.

Depuis l’année dernière j’ai installé une serre dans mon jardin. C’est une serre acier et verre simple épaisseur. Elle protège ses pensionnaires du vent, qui peut être glacial en hiver, elle protège également de la pluie et de la grêle, et en journée, même si la température externe est négative, elle se réchauffe très facilement jusqu’à quelques degrés au-dessus de 0. Par contre côté isolation, elle n’apporte pas grand chose. Je me suis amusé à mesurer la différence intérieure et extérieure durant tout l’hiver, et j’ai constaté une différence allant de 1 à 1,5 degrés maximum. Ce n’est toutefois pas négligeable… tant que l’on reste autour de 0 à l’extérieur, à l’intérieur il fait froid mais ne gèle pas !  

Après mes lectures sur les réactions des arbres devant le froid et le gel, et après en avoir discuté avec le marchand de bonsaï qui est établi près de chez moi, j’ai retenu différents moyens pour faire passer l’hiver à mes arbres.

Notez cependant que la plupart de mes arbres ne peuvent pas être qualifiés de « bonsaïs ». Au mieux j’ai quelques pré-bonsaïs, mais la plupart de mes plants ont quelques années, et sont issus de jardineries, de semis… ou de mon jardin. Je n’ai donc pas grand-chose à perdre.

Si vous avez acquis des sujets plus précieux, veillez à prendre les précautions qui vont avec.

Pour faire passer mes arbres, j’ai suivi quelques mesures qui me paraissaient appropriées : 

  • la première est de réduire les arrosages en hiver. Les besoins en eau de l’arbre diminuent. J’ai donc veillé à ce que le contenu du pot ne soit jamais sec, tout en étant jamais mouillé. J’ai cherché la bonne mesure de  » frais et humide ». Pour ceux qui sont restés en plein air, et malgré que l’hiver ait été assez pluvieux, j’ai maintenu la surveillance, mais ils n’ont jamais été baignés.
  • la seconde est d’évaluer ceux qui se trouvent dans des pots assez grands. Un pot plus grand est plus long à geler complètement, et passeraient sans doute les nuits en négatif sans geler complètement. En plus, en veillant à ce qu’il n’y ait que peu d’humidité dans le pot, les chances que les racines soient abimées par l’eau gelée diminuent.
    Veillez à laisser drainer l’excédent d’eau si vous arrosez en hiver par un substrat approprié et suffisamment d’ouvertures dans vos pots !
  • la dernière est de protéger les pots du vent. Celui-ci peut contribuer à refroidir plus vite les pots qui le subissent. Et ici, j’ai le choix entre l’abri : la serre, le garage,… ou parer le vent par une protection supplémentaire. 
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Mais je voulais vous parler aujourd’hui d’une partie particulière de mes cultures. Fin 2023, j’ai semé dans un bac des samares d’érables du japon (acer palmatum) que j’ai récoltés dans un jardin familial. Durant l’année 2024, j’ai mis ces pousses en petits pots, et j’en ai pris soin tout au long de l’année. Je me suis trouvé avec près de quatre-vingt plants auxquels je devais faire passer l’hiver. Comme dit ci-dessus, j’avais peur que ces petits pots soient vulnérables au froid et au gel. 

J’ai donc tenté plusieurs configurations… pas des milliers, je vous l’accorde, mais assez pour avoir une idée de ce que de jeunes plants d’érable peuvent endurer.

La première configuration, la plus sure, était probablement de placer mes pousses dans le garage. Sans être chauffé, il n’y gèle pas et les températures y sont stables. Il est bien aéré par contre par la porte extérieure régulièrement ouverte.

Durant la pire semaine de gel en janvier, les températures ont été de 8 à 12 degrés, et l’humidité comprise entre 43% et 55%.

A ce rythme, pas vraiment de challenge, il faut juste veiller à ce que la terre reste légèrement humide, celle-ci séchant plus vite qu’à l’extérieur à cause d’une humidité plus faible (autour de 85-90% en extérieur).

L’absence de lumière n’est pas non plus un souci. Les plants ayant perdu leurs feuilles, il n’y a pas de photosynthèse et pas de besoin de lumière.

Dans la seconde configuration, j’ai placédes plants dans la serre. Il y fait froid le jour, mais toujours quelques degrés au-dessus de la température extérieure. Si il y a du soleil, l’écart est encore plus important. Et pour éviter que les plants ne considèrent que le printemps est arrivé (ou un surplus d’humidité), j’ouvre bien grand la porte pour aérer et équilibrer.

La nuit, les températures passent régulièrement sous zéro, mais restent toujours plus élevées qu’à l’air libre. Elles ont varié de -3 à 0 dans les moments les plus froids. Si vous avez une serre semblable à la mienne, l’isolation n’est pas fantastique, mais j’ai doublé d’une couche de papier-bulles.

Une petite variante est le bac isolé avec des plaques de frigolites (merci une marque de meuble bien connue).

Lors des périodes moins froides, avec une température au-dessus de zéro (n’excédent jamais dix degrés à ma connaissance), les deux sont ressortis quelques semaines en plein air mais à l’abri du vent.

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Et... les soldats de l'hiver

Restent les courageux volontaires qui ont passé tout l’hiver à l’extérieur.

Ils ont subi les pluies, la neige, le vent glacial…

Leur substrat a été gelé, pendant plusieurs jours d’affilée.

Les deux sont des ensembles de plants partageant le même pot.

Le premier est un pot en grès que j’ai doublé de feuilles mortes et dans lequel la petite foret est plantée dans un pot de fleuriste. Il y a bien sur des trous de drainage dans le fond.

(Faites abstraction des paniers à engrais, ils sont vides.)

Enfin les petits champions du froid. Quatre plants qui ont passé l’hiver dans un petit pot de culture très peu profond.

J’ai placé ce pot sur un muret, plein vent.

Les matins de gel, le pot est entièrement gelé, le substrat dur comme de la brique.

L’hiver n’est pas terminé, et nous n’aurons le résultat de cet aventure qu’aux mois de mars ou avril, lorsque le printemps arrivera.

Ce sera encore un moment de vulnérabilité. Lorsque les arbres sortent de leur dormance, ils baissent leur garde, et tous les mécanismes de protection dont je parlais plus tôt se désactivent.

La sève recommence à circuler, l’arbre bois plus, les bourgeons grossissent, certains s’ouvrent et des parties vertes tendres apparaissent.

A ce moment-là un regel peut être dévastateur. On en parle assez chaque année pour savoir à quel point les cultivateurs redoutent ce moment.

 

Je vais rester sur ce moment de suspense.

 

A suivre…