Les yamadoris d'à côté - histoire d'un frêne
Tout comme le marronnier dont je parle dans cet article, ce petit frêne a été prélevé dans le terrain d’à-côté. Tout comme ce marronnier, je découvrais à peine le domaine des arbres en pot, et cette autre tentative a été également maladroite, mais pleine d’enseignements.
J’avais déjà une petite expérience du frêne en général, car il y en avait deux très grands dans ce qui allait être mon jardin lorsque j’ai emménagé. Malheureusement, à cette époque, les frênes étaient touchés dans tout le pays par une vague de chalarose, et les miens n’y avaient pas échappé. Ajoutez à cela leur taille, et le fait qu’ils se trouvaient très près de ma maison et de celle du voisin, nous avons malheureusement été obligés de les faire démonter.
Mais cette histoire ne s’est pas arrêtée là…
De ces deux frênes, un grand nombre de semences ont été dispersées dans les jardins environnants. Je pense que par chance, le petit nombre de frênes ailleurs dans les environs a limité la propagation de la maladie par la suite. Toujours est-il qu’il en a poussé un grand nombre un peu partout dans nos jardins, et que j’ai pu me rendre compte durant les années suivantes que c’est un arbre coriace ! Elaguez-le, même au plus bas, et il reviendra à la saison suivante !
Durant l’automne 2022, en même temps que le marronnier, je suis tombé sur un pied de frêne qui avait déjà été passé par la débroussailleuse. Tant qu’à faire, j’ai tenté de sauver celui-là également.
Le petit frêne était assez droit, et vraiment pas esthétique, mais tout le défi était justement d’en faire un petit arbre acceptable. J’ai beaucoup rabattu les racines, qui étaient déjà épaisse et profondes, de manière à le faire tenir dans un pot ( je me suis dit par la suite qu’il était peut-être trop petit pour son niveau de développement. Au-dessus, il n’y avait que peu de petites branches.
J’avais appris tout juste qu’une des techniques les plus importantes du bonsaï était la ligature. Très maladroitement, et sans avoir aucune information sur la réalisation de cette technique, j’ai improvisé une mise en forme à l’aide de fil d’acier. Je me suis contenté de plus ou moins rabattre les branches vers le bas… avant de marcher on rampe, n’est-ce pas ?
A l’hiver 2023-2024, j’avais déjà beaucoup plus lu de documentation sur le bonsaï et la culture des arbres. J’avais entre autre appris que le frêne était un arbre d’une vigueur exceptionnelle. Ceci expliquait pourquoi j’avais tellement de mal à me débarrasser des nombreuses pousses partout dans le jardin. Cependant je pouvais sans trop de crainte entamer un très gros travail de remise à zéro.
Avant d’aller plus loin, disons de suite qu’aussi majestueux qu’il puisse être dans la nature, le frêne n’est vraiment pas un arbre très facile en bonsaï. Ses feuilles composées sont beaucoup trop grandes et réduisent difficilement. Et surtout les branches ont vraiment tendance à partir droit et vers le haut, ou pire : à l’horizontale, puis en angle droit vers le haut.
Mais donc, c’était la bonne occasion pour expérimenter les tailles. Tout d’abord, j’ai élagué toutes les branches qui partaient du tronc. Je les avais placées dans une position horizontale avec le fil d’acier, mais ses feuilles composées ne donnaient vraiment pas un bel aspect. J’ai donc laissé un tronc nu d’une vingtaine de centimètres de haut, et raccourci la tête, qui avait été fort abimée lors du débroussaillage, en une coupe bien droite. Avec le recul j’aurais mieux fait de procéder à une coupe en biais.
J’ai également travaillé les racines. Je n’ai malheureusement pas pensé à l’époque à prendre une photographie, mais je décrirais en disant que les racines étaient en deux plateaux, le plus haut assez bien étalé et bien réparti, alors que la racine centrale principale descendait encore plus bas et se divisait en deux grosses racines épaisses. J’ai donc pris des mesures radicales : j’ai coupé la racine principale en dessous du premier plateau, en veillant bien à creuser le départ de cette ancienne racine au centre. Cela m’a permis d’avoir un plateau racinaire finalement (imparfait mais) assez équilibré, et plus ou moins parabolique. La question était maintenant de savoir si il allait survivre à ce traitement de choc.
Et suspense...
Au retour du printemps, j’ai observé quotidiennement ce frêne à la recherche d’un bourgeon naissant. C’est au milieu du mois de mars que le premier est apparu, suivi rapidement de beaucoup d’autres : il avait survécu ! Au fil des semaines, les branches se sont développées et multipliées, cela a continué lorsqu’il a rejoint la table du jardin au mois d’avril, en extérieur et à la mi-ombre, à l’abri d’un saule.
Non content d’avoir torturé ce frêne durant l’hiver, j’ai également tenté de scarifier le tronc afin d’observer comment l’écorce se referme, et quel sera l’aspect après cicatrisation.
L’année 2024 c’est terminée avec un petit arbre bien vert, même si les feuilles composées du frêne n’ont pas forcément un aspect très agréable. De même les branches filent naturellement vers le haut, ce que je corrigerai au début du printemps suivant. Pas à l’horizontale, ce qui ne serait pas naturel, mais au moins en les inclinant d’environ 30°, vers le style « hokidashi », en balais. Il faudra quelques branches de plus vers le haut pour que ce soit crédible. Je favoriserai donc les branches poussant en haut du tronc, en éliminant celles qui seront trop bas à terme. En attendant je conserverai les branches basses afin d’abord de ne pas sans arrêt rabattre le frêne et le laisser pousser un peu, et ensuite pour lui permettre d’élargir sa base grâce à des branches sacrificielles. Il faudra probablement également que je soigne la coupe supérieure, beaucoup trop large et trop droite. J’attends pour cela la croissances de nouvelles branches. Pourquoi brutaliser plus ce frêne, alors qu’il va certainement me montrer lui-même la voie à suivre ?
En attendant, retour à la serre pour l’hiver 2024-2025. Il y a gelé modérément, et l’arbre a eu droit à sa période de dormance naturelle. Un petit arrosage de temps en temps, sans excès.
Nous sommes à présent en février 2025, et la dernière étape de cet article est à faire : un peu de ligaturage avant la reprise de la pousse. De même quelques paniers à engrais, et la suite dans un prochain épisode.
Trucs utiles
Ligne du temps (comment j’ai réorganisé mes souvenirs)
- automne 2022 – mise en pot de grès
- hiver 2022/2023
- printemps : reprise, apparition des feuilles
- été… rien, acheté pots de fleuriste en plastique
- automne : taille racine, taille branche, reste tronc, nouveau terreau/pumice
- hiver 2023/2024 – serre
- printemps : nouveaux bourgeons
- saison : croissance branches/ extérieur
- scarification
- tailles entretien (grandes feuilles)
- hiver 2024/2025 – serre
Quelques (?) liens :
